Belle aquarelle – Bella aquarella

Belle aquarelle / Bella aquarella
Raymonde Jaccod
Raymonde Jaccod a enseigné la littérature au Lycée français de Barcelone pendant de nombreuses années puis a présidé la Délégation-Espagne de la Société des Poètes Français. Elle a collaboré avec la Casa de Murcia y Andalucia et la Fondation Antonio Machado. Ce poème a été traduit en catalan par Claudia Cascante.

D’un jardin immortel D’un immortal jardí
Où les lys vivent en harmonie On els lliris vieu en harmonia
Avec les palmiers luxuriants. Amb exuberants palmeres.
Splendeurs d’une douce fontaine Esplendors d’una dolça font
Répandant ses halos fantastiques Escampant els seus halos fantàstics
Où le Soleil s’abreuvera On el Sol s’abeurarà
Quand la Lune viendra s’asseoir. Quan la Lluna s’asseurà
Une Nuit où l’on accroche les étoiles. La nit en què pengem estels.
Hâvre de Paix. Racó de pau.
Soif d’abandon. Set d’abandó.
Vertiges de sensations nouvelles. Vertigen de noves sensacions.

Le sentier de Montmartre

Le sentier de Montmartre
Vital Heurtebize
Vital Heurtebize préside depuis 1995 la Société des Poètes Français fondée en 1902 qui publie une revue trimestrielle l’Agora. Il a reçu de l’Académie Française: un prix spécial pour Fleur du ciel (1961). La Maison de la Poésie lui a également décerné son Grand Prix en 1986 pour Complies de mon dernier dimanche.  «… avec Vital Heurtebize, nous nous plaçons dans la longue tradition de la poésie engagée…,» Jacques Charpentreau. Une tradition de révolte qu’il revendique en suivant le sentier de Montmartre…

De Bastille à Montmartre, en secret, j’ai gravi
l’invisible sentier creusé dans nos mémoires
par tous les réprouvés, bannis des heures noires,
morts que le peuple ingrat rejette dans l’oubli…

J’ai entendu le cri désespéré des femmes,
le pas lourd des vaincus, pères, fils ou maris,
enchaînés comme loups, traînés hors d’un Paris
qui ne pardonnait pas ses églises en flammes…

J’ai fredonné ces chants dont frémit le sentir,
ces paroles d’amour en d’autres temps apprises :
du temps de la Commune ou du temps des cerises,
et me suis souvenu de Clément, de Potier…

J’ai gravi le Sentier, ses places et ses rues
dont le nom ont souvent un goût de liberté :
là, le nom d’un martyr et là, d’un déporté,
parfois même, les noms de gloires inconnues…

Le sentier m’a conduit enfin jusqu’à la Butte :
Perdu parmi le flot des touristes d’un soir,
j’ai ressenti l’élan de révolte et d’espoir
qui poussa la Commune à reprendre la lutte…

Je me suis écarté du bruit. Les poings serrés,
et contemplant le Sacré-Coeur, lieu symbolique
j’ai vu, dans le soleil, la blanche Basilique
saigner infiniment du sang des Fédérés

Les oiseaux dans la nuit

Les oiseaux dans la nuit
Marie-France Guerrier

Marie-France Guerrier a fondé puis présidé le Conservatoire de la poésie classique française. Elle est l’auteur de nombreux recueils dont L’or du temps (Arcam, 1984).

Mes cris sont des oiseaux qui montent dans la nuit
De l’extase éphémère où l’étoile s’enfuit
Quand tes râles lâchés dans un éclair fugace
S’élèvent souverains en déchirant l’espace.

Nos cris sont des oiseaux évadés de nos chairs
Qui tournent éperdus dans les cieux grand’ouverts.
Sur nos yeux chavirés leurs gémirs se répondent
Lorsqu’aux vagues des draps, nos deux corps se confondent.

Nos cris sont des oiseaux sortis de leur torpeur
Qui passent, fulgurants, sur les flots du bonheur,
Quand nos flancs sont battus par le désir farouche,
Et qu’océan, l’amour submerge notre couche.

L’île

L’île…
Lisa Geppert
Lisa Geppert consacre ses travaux universitaires en littérature comparée à Thomas Stearns Eliot, Pierre Reverdy et Paul Celan. Sa poésie utilise, avec une singulière esthétique de la concentration, la thématique du fragment et de la ruine…

L’île s’efface au loin
et retourne
à son mystère
Je ne vois plus
que
les sillons
du bateau

L’horizon est blanc
comme ces oiseaux
qui n’en finissent plus de crier –
Partir à la dérive

Quelque chose de moi
est resté
de l’autre côté du seuil
(Insaisissable)

Parallèles

Parallèles
Carles Diaz (Charles Dujour Bosquet)

Poète franco-chilien, docteur et maître de conférences en histoire de l’art. Il vit en France depuis 2003. Sa poésie bouscule les mots du réalisme au rêve. Après avoir publié à Santiago Episodios electronicos (La garza morena, 2003) et La voluntad del fragmento (2004), il a signé, en France, deux recueils de poésie aux Editions Abordo: Le fleuve à l’envers (2013) et Les déferlantes nocturnes (2010), récit poétique adapté et mis en scène en mars 2015 par Frédéric Paquet au théâtre Marguerite Duras TMD à Bordeaux.

La mouette au-dessus de l’eau
que cherche-t-elle
en effeuillant l’air ?

Fouille la rumeur des oyats
les chiens rognent le mur des dunes
reprennent une fissure
injuste.

Il ne reste rien.

Pense à la lumière insolente
à l’oratoire du jour
tant de rocaille
dans la bouche de la mer.

Je me repeins en porte
pour les larmes de nos ancêtres
une grande bouffée de nuage
rampant sur le regard de l’errance
assumée.

Quand je parle à l’eau
les trésors que j’ai
sont des trésors perdus.

Sur les quais la foule
se trouve effacée
il m’appartient encore, jusqu’à ma réminiscence
de remuer la poussière, oscillante, blindée
de piocher le mutisme des bagages
écraser les grains de la grappe.

Que je sois chair de votre chair
trompette dévoreuse
puis reculer
vers d’autres rochers jusqu’au
tapis de sable.

La branche du prunier

La branche du prunier [Pékin]
Rome Deguergue

Rome Deguergue parcourt le monde depuis son enfance et sa poésie demeure marquée par les lieux de mémoire. Elle est correspondante en France de la revue belge Traversées, Littérature et poésie, directrice de la collection Écritures chez l’éditeur italien Schena, membre de l’Union des écrivains de Timisoara, critique littéraire auprès du Cénacle Européen Francophone de Poésie, des Arts et Lettres de Paris. Parmi les nombreux ouvrages de Rome Deguergue, on notera : Exils de soie (Nouvelles, Schena, 2003), Plis & replis de mémoire poétique (A.-L. Benoît, 2004, entretien avec Giovanni Dotoli, professeur de Littératures françaises à l’Université de Bari), Androgyne (S.P.F, 2013 – avec le poète et peintre rémois, Michel Bénard) et … de pluies et de saisons (Médaille d’Argent de l’Académie Internationale de Lutèce Paris 2013) dont est extrait ce poème.

Matin dans le parc.

Séjour où les fleurs rouges
au vent se dispersent.
Parfum d’une rare élégance.

De retour, le rossignol
par son chant – grammaire du ciel –
appelle à séduire.

Reviendras-tu cette année encore
conjuguer l’amour
sur des temps et des modes majeurs ?

Tu es là présent
comme si tu étais partout
et les choses arrivent,
repartent, vont et viennent.

Tu es l’oiseau complice
des silences de l’air
à la lumière pélagique
des sakuras en fleur.

Orphée

Orphée
Danny-Marc

Danny Marc débute dans les années soixante comme auteur-compositeur-interprète< au Club des poètes. Artiste engagée, elle milite contre l’apartheid en Afrique du Sud, aux côtés de Jacqueline Dulac et John Littleton. Elle participe aujourd’hui à plusieurs programmes de lutte contre les toxicomanies. Avec l’écrivain Jean-Luc Maxence, elle dirige une des plus prestigieuses revues de littérature française, Les Cahiers du sens ainsi que les éditions Le Nouvel Athanor qui ont publié une Anthologie 1991-2001. Cet ouvrage offre au lectorat un exceptionnel panorama de la poésie française des 20 dernières années. Elle est l’auteur du recueil de poèmes intitulé Un grand vent s’est levé, dont est extraite
cette poésie.

Ce soir
le vent fou de tes mains
a dérangé mes cheveux
Il a fait basculer l’ordre établi
au temple de mon corps
Solidement construite
à la patience des jours
je me croyais de pierre
je me pensais de roc
Mais ce soir
le vent fou de tes mains
a dérangé mes cheveux
Il a ramené sur mes lèvres
le chant des vagues

Qu’il sera long d’attendre
ce jour où à nouveau
la nuit se peuplera de nous

Déjà je sais
la déchirure faisant craquer l’attente
le chant de nos mains jointes
et de nos corps mêlés

Oui… Je sais…
Demain comme Orphée
nous ferons lever le soleil

L’onde écume

L’onde écume
Geoffrey Beck

Geoffrey Beck est professeur de mathématiques à l’École Nationale Supérieure de Techniques Avancées (ENSTA-Paris Tech). Il collabore à l’Unité de mathématiques appliquées – POEMS, Propagation des Ondes Etudes mathématique et Simulation. POEMS est une unité de recherche sous la tutelle de l’ENSTA, du CNRS et de L’INRIA (Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique). Cet inédit est le cinquième d’une suite de sept poèmes nommés Déterminants construits comme autant de jeux de langage entre mathématique et poésie.

Déméter, danse

Déméter, danse…
Marie Beaupuy

Marie Beaupuy est professeur de lettres. Elle est membre de la Société des Poètes Français et a publié Les Silences de l’envol (Édilivre, 2011).

La même étoile luit
pour chaque renaissance
au coeur de la nuit

La beauté du narcisse
s’ouvre sur nos tombeaux
mais elle nous blesse au coeur
d’une caresse étrange

Tous les cris d’un enfant
ravi à l’innocence
éperdu de terreur
n’abolissent pas la musique

Mais où va la blessure ? …

Au domaine des Ombres
j’ai marché sur tes pas

L’enfant
qu’on nous avait ravi
je le cherchais aussi

Le Feu l’avait élu
pour y faire son nid

J’ai griffé les nuages
épousé tous les vents

J’ai tari les fontaines
et voilé le soleil

J’ai muré de silences
mon cri…

Et mes deux mains tendues
l’effleurent
au printemps

Pour toute terre desséchée
par quel exil
j’en appelle à la mer
aux longs fleuves
aux tourbillons d’écume
qui creusent les abîmes

Déméter chante

Pour les sables stériles
soumis aux vents brûlants
j’en appelle à la Source ineffable
à l’éternel souffle de vie
à l’Un
pendant d’amour
au repos matriciel
qui traverse les mondes

Déméter danse

Pour toute servitude et pour toute souffrance
Il reste l’espérance en tes cycles féconds
Reviens chanter
Reviens danser en nous
ma déesse païenne

Il y aura de longs soirs doux
près de la flamme

Une infinie patience
à traverser les temps
pour atteindre

aux extrémités de l’instant
l’éclat fugace
de Ta présence

Il y aura les lents Mystères
nuit après nuit

Une infinie patience
à engendrer
dans la chaleur sourde de la terre
inexorable et bienveillante
le possible à venir
des germes pourrissants

Il y aura l’explosion vitale nécessaire
des champs de blé

Une joyeuse impatience
Le retour de l’enfant au doux visage
lumineux
de sa beauté renouvelée
La grâce d’une danse
embrassant les étoiles

Et la ronde refleurira