Le sentier de Montmartre
Vital Heurtebize
Vital Heurtebize préside depuis 1995 la Société des Poètes Français fondée en 1902 qui publie une revue trimestrielle l’Agora. Il a reçu de l’Académie Française: un prix spécial pour Fleur du ciel (1961). La Maison de la Poésie lui a également décerné son Grand Prix en 1986 pour Complies de mon dernier dimanche. «… avec Vital Heurtebize, nous nous plaçons dans la longue tradition de la poésie engagée…,» Jacques Charpentreau. Une tradition de révolte qu’il revendique en suivant le sentier de Montmartre…
De Bastille à Montmartre, en secret, j’ai gravi
l’invisible sentier creusé dans nos mémoires
par tous les réprouvés, bannis des heures noires,
morts que le peuple ingrat rejette dans l’oubli…
J’ai entendu le cri désespéré des femmes,
le pas lourd des vaincus, pères, fils ou maris,
enchaînés comme loups, traînés hors d’un Paris
qui ne pardonnait pas ses églises en flammes…
J’ai fredonné ces chants dont frémit le sentir,
ces paroles d’amour en d’autres temps apprises :
du temps de la Commune ou du temps des cerises,
et me suis souvenu de Clément, de Potier…
J’ai gravi le Sentier, ses places et ses rues
dont le nom ont souvent un goût de liberté :
là, le nom d’un martyr et là, d’un déporté,
parfois même, les noms de gloires inconnues…
Le sentier m’a conduit enfin jusqu’à la Butte :
Perdu parmi le flot des touristes d’un soir,
j’ai ressenti l’élan de révolte et d’espoir
qui poussa la Commune à reprendre la lutte…
Je me suis écarté du bruit. Les poings serrés,
et contemplant le Sacré-Coeur, lieu symbolique
j’ai vu, dans le soleil, la blanche Basilique
saigner infiniment du sang des Fédérés