Les goinfres
Saint-Amant (1594-1661)
Au XVIIe siècle, Marc-Antoine Girard de Saint-Amant brille par l’originalité de son écriture et la diversité de ses talents. Boileau écrit à son sujet : «N’imitez pas ce fou…» Nul n’a suivi ce conseil et certains voient en lui, digne héritier de Rutebeuf ou Villon pour sa gouaille satirique, la brièveté efficace de Baudelaire, les alliances esthétiques de Rimbaud brisant les conventions descriptives ou encore les images insolites de Verlaine, l’hermétisme de Mallarmé… Ce protestant converti à la foi catholique est, au fauteuil 22, un des premiers membres de l’Académie Française en 1634. L’Immortel : il adorait les cabarets. Un provocateur ?
Coucher trois dans un drap, sans feu ni sans chandelle,
Au profond de l’hiver, dans la salle aux fagots,
Où les chats, ruminant le langage des Goths,
Nous éclairent sans cesse en roulant la prunelle ;
Hausser notre chevet avec une escabelle,
Être deux ans à jeun comme les escargots,
Rêver en grimaçant ainsi que les magots
Qui, baillant au soleil, se grattent sous l’aisselle ;
Mettre au lieu d’un bonnet la coiffe d’un chapeau,
Prendre pour se couvrir la frise d’un manteau,
Dont le dessus servit à nous doubler la panse ;
Puis souffrir cent brocards d’un vieil hôte irrité
Qui peut fournir à peine à la moindre dépense,
C’est ce qu’engendre enfin la prodigalité.